Glisser du design graphique vers la photographie et finalement y associer la direction artistique, c’est ce cheminement qu’ont suivi Philippine Chaumont et Agathe Zaerpour. Mais rien n’est évident au départ et ces choix ont été mûris à l’aune d’expériences collaboratives et de voyages.
Propos recueillis par Marjolaine Rey & Alice Villars
Bachelor Design Graphique
OfflineComment vous êtes-vous rencontrées et comment est né votre duo ?
Z & HOn s’est rencontrées à l’ECAL. Très vite on s’est demandé de l’aide et donné notre avis sur le travail l’une de l’autre. En deuxième année, on a monté un projet de magazine avec François Rappo. C’est le premier projet qu’on a vraiment fait ensemble. Après, il y a eu notre projet de diplôme. Personne n’était d’accord pour qu’on le fasse à deux, mais on est parties au Kenya en se disant qu’on essaierait de faire quelque chose ensemble, et tant pis s’ils n’étaient pas contents.
OfflineQu’est-ce qui vous a menées du design graphique à la direction artistique et la photographie de mode ?
Z & HDepuis le début on a de l’intérêt pour la DA. La photo, c’est venu plus tard, mais on savait qu’on n’était pas typographes. On a fait pas mal de livres et des trucs dans l’édition, mais il y avait toujours un rapport étroit à l’image. Être à deux, ça nous a encouragées à persévérer dans la photo, car il faut avoir le cran de se lancer là-dedans quand tu viens du texte.
Être à deux, ça nous a encouragées à persévérer dans la photo, car il faut avoir le cran de se lancer là-dedans quand tu viens du texte.
Le projet sur le Kenya, c’était une envie de voyager, de partir toutes les deux pour faire quelque chose ensemble et vivre en huis clos pendant un mois. L’intention de départ était clairement le documentaire, qui est devenu le prétexte à un livre d’images. On préférait ce principe-là à un livre de design graphique avec des tonnes de drapeaux de textes qui se cognent les uns les autres.
Après l’ECAL (on a diplômé en 2014), on a bossé toutes les deux pour Emmanuel Crivelli, un ancien étudiant et professeur à l’ECAL. Ensuite, on a travaillé pour différents studios et quand on a décidé toutes les deux d’être indépendantes, le premier projet qu’on a reçu, c’était un mandat du styliste Simon Jacquemus, que l’on connaissait un peu. Il savait qu’on faisait des livres – il avait vu celui sur le Kenya et il l’avait bien aimé. Lui voulait faire un livre sur Marseille et nous a proposé de faire le design et la DA. On a contacté plein de photographes : il y avait une petite liste de personnes que Simon connaissait et qu’il aimait bien, les autres, une grande part des photographes publiés dans le livre, ce sont surtout des gens dont on adorait le travail. C’est vrai que notre entrée dans la photo, ça s’est plutôt fait par la direction artistique et l’édition.
OfflineDécrivez-nous une journée type en tant que DA à Paris.
Z & HL’année dernière, nos « journées types » c’était être au bureau du matin au soir. Pour le livre, il y a eu plusieurs étapes. On a commencé par discuter et réfléchir à la structure, à poser les idées et les écrire. Après, il y a eu la partie la plus excitante : on a imprimé un million d’images en tout petit et on les a collées au mur. On a essayé de les mettre ensemble pour construire la séquence du livre. Et on a terminé par des journées de design graphique derrière notre ordinateur à chinoiser pendant des heures pour faire de beaux blocs de texte.
La balance s’est un peu inversée depuis qu’on fait plus de photo que de graphisme. On est au bureau de façon plus épisodique, un jour par-ci, un jour par-là, pour réfléchir à des idées, préparer des moodboards quand un shoot se profile… Les journées types, quand tu fais de la photo, c’est se lever à six heures du matin, porter des lampes de 150 kg et parler avec des mannequins ukrainiennes. C’est pas vrai, elles sont plutôt tunisiennes.
En photo, et particulièrement en photo de mode, ça se passe à fond sur Instagram. Les marques ne regardent que ça. Et c’est là aussi que nous sélectionnons les gens avec qui nous voulons travailler : les stylistes, les maquilleurs, les coiffeurs, les mannequins.
OfflineEn ce qui concerne vos stratégies de communication et de visibilité, comment trouvez-vous vos clients et vos mandats ?
Z & HOn a eu un peu de chance au début. Même si on ne gagnait pas beaucoup d’argent, on a tout de suite eu des choses à faire grâce aux contacts qu’on avait déjà avant et des amitiés qui nous ont servies. Aujourd’hui, les gens nous approchent principalement par Instagram. On a peut-être reçu trois e-mails… Même des clients sérieux procèdent de cette façon. En photo, et particulièrement en photo de mode, ça se passe à fond sur Instagram. Les marques ne regardent que ça. Et c’est là aussi que nous sélectionnons les gens avec qui nous voulons travailler : les stylistes, les maquilleurs, les coiffeurs, les mannequins.
OfflineEn ce qui concerne votre site Web, qui ne montre qu’une seule image, est-ce un choix ou un manque de temps ?
Z & HOn a un site Web pour rediriger les gens sur notre Instagram. C’est quand même un médium un peu plus naturel et intuitif. Tu peux juste poster des images au fur et à mesure avec moins de soin et d’attention. Un site, tu dois le construire comme un livre. Si tu publies quelque chose, il faut que ce soit parfait, que ce soit bien édité, bien choisi. Ce sera peut-être intéressant d’avoir un site quand on aura dix ans de carrière. Mais en l’état actuel des choses, ce serait peut-être un peu prétentieux.
En dehors de ça, d’un point de vue strictement pratique, ça n’a pas vraiment d’intérêt pour nous d’avoir un site, car ce n’est pas ce que nos clients regardent.
OfflineVous avez été publiées dans Aleï Journal et The Skirt Chronicles, comment choisissez-vous les magazines dans lesquels vous apparaissez ?
Z & HLes deux exemples cités sont des magazines édités par des amis. On les choisit comme ça. Quand tu travailles avec tes amis, tu es plus libre. Aleï, par exemple, c’est vraiment cool de bosser avec eux parce qu’ils nous laissent faire absolument tout ce que l’on veut.
OfflineEst-ce que vous avez les mêmes visions et méthodes de travail?
Z & HOn a deux approches différentes qui vont se compléter. A l’ECAL, j’ai beaucoup appris de mes professeurs, mais j’ai encore plus appris avec Philippine. Au début on essayait de tout faire ensemble, mais maintenant il y a des trucs pour lesquels j’ai plus confiance en elle qu’en moi parce que je sais qu’elle le fera mieux.
OfflineDonc vous vous répartissez quand même le boulot ?
Z & HJe sentais beaucoup plus nos différences quand on a commencé à travailler ensemble. Aujourd’hui, on se connaît beaucoup plus, du coup on se réparti le travail en se faisant 100% confiance. Ce qui est trop cool parce qu’on est assez différentes. Dans tous les projets de groupe, je n’ai jamais fait confiance à personne et je trouvais toujours que les idées des autres étaient nulles. Avec Agathe, c’est différent. Je trouve que toutes ses idées sont merveilleuses et si je ne les comprends pas sur l’instant, c’est que je les comprendrai plus tard.