Editeur indépendant de livres de photographie, RVB Books, label créé par Matthieu Charon et Rémi Faucheux, a constitué un catalogue singulier mêlant la micro édition « low-fi » et le livre précieux. Manuel de savoir-faire…
Propos recueillis par Claire Bourrassé et Pauline Brocart
Bachelor Photographie et Design Graphique
Portrait de Marvin Leuvrey
Bachelor Photographie
OfflineQuand avez-vous monté RVB Books et d’où vient le nom ?
RVB Books Il y a cinq ans. Les lettres RVB signifient rouge, vert, bleu.
OfflineVous vous connaissez depuis longtemps ?
RVB Books Un peu plus de cinq ans. On avait des parcours un peu similaires ; on s’est retrouvés avec les mêmes envies.
OfflineOù êtes-vous basés à Paris ?
RVB Books A Belleville, où se trouvent nos bureaux et un project space, qui s’articule autour du livre. On lance de nouveaux livres et on montre ce qu’on fait. C’est petit et ne permet pas de grandes expositions, mais c’est agréable de disposer d’un endroit comme celui-là.
OfflineComment prend forme l’édition de l’un de vos livres ?
RVB Books Nous avons la particularité de partir toujours du projet de l’artiste vers le livre. Une fois qu’on a défini la forme qu’aura le livre, ça permet de préciser la quantité, en tenant compte de la dimension économique, de la fabrication, tout en essayant de prévoir le potentiel du livre et de sa diffusion.
OfflinePar exemple ?
RVB Books Si on sait qu’un livre va être dur à produire, avec une économie un peu particulière, on va partir sur un petit tirage de 100 exemplaires qui sera vendu assez cher. Et inversement, on peut tabler sur quelque chose de plus instinctif, plus artistique, sur un format plus petit avec une production plus simple, et envisager cette fois un tirage plus élevé.
OfflineDonc dès le début de la production d’un livre, vous déterminez son tirage et sa diffusion ?
RVB Books Exactement. Selon le sujet : son potentiel grand public ou au contraire pointu. Ensuite, au niveau de la production et de l’impression, on choisit si on opte pour une impression numérique ou offset, ce qui détermine les quantités. Après on a aussi dans notre catalogue des livres plus coûteux : Déserteurs de Stéphanie Solinas vaut par exemple 350 euros ; il a un aspect précieux et, de par sa fabrication, son coût de revient à l’exemplaire est de 200 euros. Ces données conduisent à le vendre en direct, sinon le prix augmenterait encore. A l’inverse, on a des « petits » livres, par exemple avec Thomas Mailaender, à partir de photos qu’il trouve sur Internet. Ils sont vendus 12 euros et tirés à 200 exemplaires. Nous les publions deux fois par an ; ils sont vite épuisés et on tient à ce qu’ils ne soient pas chers.
OfflineUne fois imprimés, comment se passe leur diffusion ?
RVB Books Le circuit classique, ce sont nos distributeurs, mais la remise demandée est assez élevée : 60 %, donc on ne les sollicite que sur des tirages importants. Sinon, il y a les libraires et, en complément, on a notre site Internet et les foires.
Certains livres nécessitent une explication, des clefs de lecture. Si on les met en librairie, le lecteur risque de passer à côté. Du coup, on est obligés d’être là pour les vendre, soit pendant des foires, soit dans notre galerie.
OfflineQuels sont vos distributeurs ?
RVB Books Idea books et Antenne Books, qui sont à la fois des sites et plateformes de distribution à l’international. Mais au-delà de l’aspect économique, on se rend compte que certains livres nécessitent une explication, des clefs de lecture. Si on met ces livres en librairie, le lecteur risque de passer à côté. Du coup, pour ces livres, on est obligés d’être là pour les vendre, soit pendant des foires, soit dans notre galerie ou en leur réservant des espaces dédiés, comme notre site Internet.
OfflineQuel est votre modèle économique ?
RVB Books C’est assez particulier parce que RVB fonctionne aussi avec d’autres projets que notre catalogue. On a des demandes pour d’autres livres. C’est toujours lié à notre pratique du livre ; ce sont des artistes ou des personnes qui veulent travailler avec nous pour notre savoir-faire et notre sensibilité. Enfin, on travaille aussi sur des choses plus éloignées, comme des dossiers de presse ou des commandes plus commerciales.
OfflineMais ce sont des choses que vous ne montrez jamais ?
RVB Books Non. Par exemple, Dior vient vers nous pour qu’on imagine un livre signé Dior. Ils ont des contraintes et on est capables de sortir un produit très correct, mais qu’on ne va pas forcément revendiquer à la fin.
OfflineComment calculer le prix de vente à appliquer à un livre ?
RVB Books Il y a effectivement quelques règles. On sait que l’on cède 60 % du prix de vente lorsque l’on passe par un distributeur, et 40 % directement avec les libraires. En général, il faut multiplier par 5 le coût brut de la fabrication du livre. Après, il y a des arrangements… car c’est un schéma très dur à appliquer. On y arrive avec des aides, des personnes qui vont contribuer au livre : une galerie, une subvention, un préachat, des tirages de tête, etc. On dispose d’un certain nombre d’outils pour parvenir au prix de revient le plus bas. On tire au maximum à 1 500, 2 000 exemplaires et, en librairie, on côtoie des livres à 500 000 exemplaires. Les gens ont aussi une certaine habitude de prix, alors quand tu regardes un livre, tu te dis que c’est impossible de le vendre plus de 20 ou de 50 euros, tu le condamnes d’avance sinon. Donc il faut être un peu imaginatif, tant dans l’aspect créatif que dans l’aspect économique, c’est-à-dire comment tu fais vivre ton bouquin. Par exemple, on va toujours essayer aussi d’avoir ces petits tirages qui permettent de faire un premier livre avec un jeune artiste, de publier des essais, etc., de faire des choses plus librement sans avoir le poids d’en vendre 2 000 exemplaires.
Album Beauty, Eric Kessel
OfflineIl existe des dates clefs pour la sortie d’un livre ?
RVB Books On vend beaucoup plus en fin d’année… En même temps, on essaie de ne pas tous les sortir à ce moment-là parce que beaucoup le font. L’autre période est vers mai, juin.
OfflineVous avez aussi un bookstore ?
RVB Books Oui, mais ce sont surtout nos bureaux ; on vend dix livres par mois maximum… Mais notre site Internet fonctionne de mieux en mieux, les foires aussi. Cela nous permet de rencontrer un nouveau public et d’entretenir notre relation avec les libraires étrangers. C’est important d’avoir ce réseau parce que six livres sur dix sont vendus à l’étranger.
OfflineVous travaillez avec des graphistes différents en fonction des livres ?
RVB Books On travaille avec une graphiste free-lance, qui nous aide sur quelques livres ; parfois, les artistes vont préférer tout faire eux-mêmes, ou confier le livre au graphiste avec lequel ils ont l’habitude de travailler. On est assez souples là-dessus et c’est bien d’ouvrir un peu et de travailler différemment.
OfflineVous travaillez toujours avec les mêmes imprimeurs ?
RVB Books Non. On imprime la plupart du temps en Europe, rarement en Asie, pour des livres cartonnés ou des reliures à plat cartonnées. Sinon : Italie, Espagne, Allemagne, Pays-Bas, un peu en France… Ça dépend de plusieurs critères : si on veut imprimer en H-UV (offset au séchage immédiat, très qualitatif) ou en offset traditionnel, donc du parc machine dont ils disposent, et bien sûr du prix. Les imprimeurs ne sont pas toujours compétitifs sur les mêmes critères. Mais si on a un livre assez technique, il arrive qu’on choisisse un devis plus cher, car l’imprimeur a une expertise précise.
OfflinePouvez-vous nous parler de l’ouvrage Choli Cholie. C’est la première fois que vous travailliez avec une école ?
RVB Books On est intervenus comme éditeur dans ce projet, à la demande de l’école, plus précisément à la fin du workshop avec Walter Pfeiffer, au moment des séances d’editing. On a fait ça à l’ancienne : uniquement avec des sorties papier, et ensuite principalement avec Walter, qu’on a vu trois ou quatre fois.
OfflineComment se distribuent les rôles entre RVB et l’ECAL ?
RVB Books On intervient à l’ECAL, qui fait une sorte de préachat (la moitié du tirage du livre) et notre rémunération c’est l’autre moitié du tirage, donc c’est encore une économie inventée. Ce qui permet aussi un prix de vente abordable si on considère le façonnage et la reliure japonaise. Avec Choli Cholie, on est typiquement dans un objet hybride que l’ECAL sait très bien faire : c’est un bien culturel en même temps qu’un outil de communication. Et le livre a été très bien accueilli.
OfflineVous arrive-t-il de rééditer certains livres ?
RVB Books On l’a fait une fois, mais c’est un peu compliqué, car les durées d’intérêt pour un livre sont très courtes. Ce qu’on essaie de mettre en place, c’est une collaboration longue avec les artistes ; concrètement produire leur premier livre, le deuxième, etc. Autrement dit, on a plutôt envie de faire le prochain livre que de rééditer les anciens. C’est aussi une façon de récompenser les premiers qui ont acheté le livre.