Neïl Beloufa

Basé à Paris, où il travaille, Neïl Beloufa a une pratique artistique qui emprunte différents supports : la vidéo, l’installation ou la sculpture. Nominé au Prix Marcel Duchamp en 2015, il avait remporté le Prix Meurice pour l’art contemporain en 2013. Ses expositions ont été présentées au Palais de Tokyo (Paris, 2012 et 2018), à K11 (Shanghai, 2016), au MoMA (New York, 2016), à l’ICA (Londres, 2014), au Hammer Museum (Los Angeles, 2013). Son premier long-métrage, Occidental, a fait l’objet d’une masterclass à l’ECAL, dont nous vous livrons quelques extraits.

Portrait de Santiago Martinez et Achille Laplante-Le Brun, Bachelor Photographie
Portrait de Santiago Martinez et Achille Laplante-Le Brun, Bachelor Photographie
Portrait de Santiago Martinez et Achille Laplante-Le Brun, Bachelor Photographie

Extraits choisis par Cyane Findji et Lise de Martino
Bachelor Arts Visuels

OnlineA propos de Kempinski (2007), projet d’étudiant à l’école des Arts décoratifs de Paris.

N. BeloufaC’était comme un vieux réflexe de crise d’adolescence, j’ai cherché un projet qui pouvait les ennuyer. Le principe : une série d’interviews dans laquelle on demandait aux gens de parler du futur au présent ; on rendait les images de l’exotisme qu’on allait regarder encore plus exotiques qu’elles ne l’étaient, donc là aussi ça restait un truc un peu raciste, mais qui en jouait parce que ça deviendrait aussi animiste, séduisant, poético-truc et d’un truc malsain. Je me suis servi de mon identité pour le faire, à la fin ça n’a embêté personne et ils étaient très contents.

Je fonctionne par couches d’enfumage.

OnlineA propos de son film People’s passion, lifestyle, beautiful wine, gigantic glass towers, all surrounded by water (2011).

N. BeloufaCe qui m’intéressait, c’était la logique « boosteriste ». C’est Vancouver qui se bat avec Melbourne pour avoir le meilleur lifestyle, une espèce d’idéologie néolibérale nord-américaine dans laquelle on mélange yoga végétarien, qualité de vie, amour, bulle spéculative immobilière d’espèces de « wannabe sculptures ». Je fonctionne par couches d’enfumage.

OnlineA propos du projet Les Inoubliables Prises d’autonomie (2012).

N. BeloufaLe but était de financer ce projet tout en le faisant. On a eu un mois sur place et on a utilisé tout le budget pour construire trois petits décors de film. Le projet de l’exposition était de jouer avec les représentations médiatiques d’un déclin occidental qui ressemblerait à un déclin romain. On est parti de trois petits décors : des salles de conférences d’hommes politiques, un appartement et une plage. […]
On a ensuite organisé des événements dans le lieu, le but étant d’y faire jouer les gens bénévolement et de récupérer de l’argent en vendant de l’alcool qu’on avait eu gratuitement. Mais on n’avait pas le droit d’en vendre, donc on a vendu les gobelets. On a ensuite proposé aux gens de détruire nos décors, comme pendant une destruction party, pour faire un peu MTV… Un mécanisme économico-pervers. Mais ça n’a pas marché : il y a eu de la vraie casse, de vrais vols, on a perdu un sponsor et on a créé des dettes […] Du coup on a vendu les chutes du décor de cette expo.

OnlineA propos de sa pratique.

N. BeloufaJe suis de plus en plus un artiste d’Etat, un artiste d’institution. Je représente un garçon défendu par des pays dominants, et avec ça je suis invité à critiquer ce mode de domination par des lieux [d’exposition] dominants, donc cela donne une espèce de boucle un peu perverse. […]
Mon galeriste est beaucoup mieux habillé que moi. […]
A un certain moment, les gens ont arrêté de parler des expositions, ils parlaient plutôt des ateliers, mais plus des œuvres d’art. Mon atelier est devenu un outil de consommation involontaire : 80 % de son budget n’étaient pas consacrés à produire de l’art, mais des choses événementielles. […]
Le Palais de Tokyo est un lieu qui ne pose pas que des questions d’art, mais aussi événementielles. La dérive de l’art de l’exposition a remplacé l’exposition, ainsi que l’artiste. J’y participe tout en  disant que je me contredis. Je dis l’inverse de ce que je fais. C’est assez paradoxal.